Manifeste des femmes de Guinée : Pas Sans ELLES

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Depuis la fin de la transition militaire de 2009-2010 entre la deuxième et la troisième Républiques en Guinée, suivie d’une nouvelle élection présidentielle démocratique, les femmes s’attendent à la promotion de gouvernements paritaires en termes de genre et d’équité. Cette attente s’est affermie davantage après que le Président de la République élu au terme de la transition militaire, le Professeur Alpha Condé, s’est engagé solennellement à dédier son mandat à la cause des couches les plus vulnérables de la société guinéenne, notamment les femmes et les jeunes. Sept ans et demi après, et à 31 mois de la fin de son second mandat, force est de constater que ses promesses sont et demeurent des déclarations d’intentions. Les femmes, en particulier, sont faiblement représentées dans l’appareil d’État.

Dans la classe politique, elles sont quasiment confinées aux seconds rôles. Tant par le nombre que par l’importance, elles font figure pâle dans le tout nouveau gouvernement, comme du reste dans les précédents. La diplomatie, l’administration publique ou parapublique et les organisations de la société civile ne les mettent pas assez en valeur. Elles n’y ont guère plus de place que dans l’exécutif, malgré leurs compétences avérées. Bref, les femmes ne tiennent pas les leviers de décisions comme elles le mériteraient dans ce pays.

« Quand j’aurai fini d’écouter la majorité silencieuse, je vais faire un grand remaniement ministériel et mettre des ministres qui sont à l’écoute des populations et qui s’occuperont de leurs problèmes », avait déclaré, il y a deux mois, le Président de la République au plus fort de la grève des enseignants.

Cet engagement pris le 8 mars 2018 devant les femmes guinéennes, au Palais du peuple, avait été fort applaudi mais il n’a pas été tenu. Fort malheureusement ! A-t-on maintenant le temps de le concrétiser ? Oui sans doute, pour peu que la volonté politique existe. Nous femmes croyons qu’il n’y a rien de meilleur sur terre que la bonne volonté. C’est notre optimisme qui sous-tend la rédaction et la publication de ce manifeste. Nous sommes persuadées que sa pertinence frappera les plus hautes autorités du pays et nous sommes déterminées, dans la paix et la fermeté, à faire entendre notre voix et à défendre nos droits. Nous sommes la majorité, mais pas silencieuse.

Monsieur le Président de la République, nous sommes convaincues de votre volonté à gouverner au profit de l’ensemble des Guinéens. Nous croyons toutefois que vous ne pourrez satisfaire pleinement les aspirations légitimes des femmes en les tenant à l’écart des instances décisionnelles. En toute justice, les sphères d’activités de notre société doivent refléter en proportion la composition de la nation. Les femmes forment 52% de la population guinéenne. Il est donc légitime qu’elles prétendent à davantage de représentativité que les 12% qui leur sont attribués dans l’actuel gouvernement. Il est tout aussi légitime qu’elles en détiennent la moitié des postes clés. Elles en ont les aptitudes techniques et morales.

Les femmes guinéennes, à l’instar des autres, n’ont plus à prouver leur capacité à assumer les plus hautes fonctions au plan administratif, managérial, diplomatique ou politique. Elles ont montré à travers le temps leur expertise et leur excellence dans toutes les activités de la Cité.

Soyez assuré, Monsieur le Président de la République, qu’il existe en Guinée un 
vivier de femmes répondant aux qualifications requises pour assumer un leadership égalitaire dans l’organigramme de l’État. Elles ne demandent pas une discrimination positive mais la juste reconnaissance de leur mérite personnel. Elles ne demandent pas une promotion du genre et de l’équité, comme elle est dans l’air du temps, mais leur pleine égalité avec les hommes à compétences égales.

La lutte des femmes guinéennes transcende le genre. Elle s’inscrit dans la nature même de la société humaine, qui est d’être le fruit des deux sexes, certes différents mais pas inégaux, plutôt complémentaires et unis. Toutes les sociétés qui sont parvenues au bien-être général ont dû bannir le sexisme et reconnaître la femme dans sa plénitude, c’est-à-dire son potentiel et son apport, qui sont exactement les mêmes que ceux des hommes. Chez nous comme ailleurs, la femme-mère, la femme-sœur, la femme-épouse et la femme-enfant contribuent pleinement au développement social, économique et culturel de la nation.

Le déficit de représentativité des femmes procède de préjugés tenaces et de bien des résistances à vaincre dans les esprits et dans la société. Il faut pourtant les surmonter si nous souhaitons construire ensemble et avec assurance la démocratie, l’État de droit, la bonne gouvernance et les droits humains. Les conventions et traités internationaux en faveur des droits des femmes ratifiées par la Guinée la lient juridiquement et moralement. À l’aune de leur application notre pays sera jugé et méritera sa place dans le concert des nations.

Les notions de parité et d’équité sont des instruments au service des nations pour y promouvoir plus de justice, de démocratie et de cohésion sociale. Elles sont loin d’être des motifs de belligérance entre la femme et son père, son époux, son frère ou son fils, donc entre la femme et l’homme. Si l’ordre établi n’y fait pas place, il faut établir un ordre nouveau, par une volonté politique lucide, ferme et agissante.

Les notions de parité et d’équité ont surtout pour but d’opposer à la force d’inertie socioculturelle, qui tend à reléguer la femme au second plan, un engagement à éradiquer les stéréotypes et les discriminations systémiques qui entravent l’épanouissement des femmes et, par conséquent, sapent le progrès de la nation toute entière.

Monsieur le Président, sans femmes point de développement. Monsieur le Président, osons la parité pour développer le potentiel des femmes qui, autrement, serait une moitié perdue pour le pays.
Monsieur le Président, nous vous faisons porte-flambeau de la parité en Guinée.
Monsieur le Président, nous attendons des actions concrètes qui viseront à accroître dans l’immédiat la représentativité des femmes au sein du gouvernement et dans toutes les instances décisionnelles. Ce serait un déclic pour les autres niveaux de gouvernance à court, moyen et long termes.

Vos mères, vos sœurs, vos filles et votre nation toute entière vous prient d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de leur profond respect. Nous fondons grand espoir en vous, Monsieur le Professeur.

Le Collectif Pas Sans Elles

 

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