Renomination de l’aéroport de Conakry, qu’est-ce qu’il faut comprendre de toutes les réactions ? (Tribune)

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Le Président de la transition a donné le nom de l’aéroport de Conakry au premier Président de la Guinée.

C’est un acte d’une symbolique historique qui va participer à la reconstitution de notre récit national. Qu’on le veuille ou non, le Président Ahmed Sékou Touré est et demeurera le père de la Guinée, de la République. Il est temps de regarder notre histoire dans toute sa dimension. Cependant, il faut entendre comprendre toutes les réactions suscitées par cette décision du Colonel notamment celles de désapprobation.

Au contraire de son prédécesseur, le Colonel Doumbouya privilégie la conscience historique à la conscience politique.

Selon la définition de l’encyclopédie universelle, la conscience politique est la présence chez un individu d’une culture, d’une expérience et d’une maturité politiques, l’autorisant à faire des choix réfléchis. Cest aussi la capacité de se situer dans la société dans son ensemble et surtout sa capacité d’analyser les rapports de pouvoirs.

Pour la conscience historique, Raymond Aron disait que << l’homme n’a vraiment un passé que s’il a conscience d’en avoir un, car seule cette conscience introduit la possibilité du dialogue et du choix. Autrement, les individus et les sociétés portent en eux un passé qu’ils ignorent, qu’ils subissent passivement…Tant qu’ils n’ont pas conscience de ce qu’ils sont et de ce qu’ils furent, ils n’accèdent pas à la dimension propre de l’histoire ».

Pour se résumer, la conscience politique c’est prendre en compte dans une décision toutes les sensibilités politiques, tandis que la conscience historique, c’est ne prendre en compte que le fait historique. Et le fait historique est que Sékou Touré est le père de la Guinée.

Pourquoi un Alpha Condé qui a affirmé « prendre la Guinée là où Sékou Touré l’a laissée » n’a pas pu prendre une telle décision ? C’est là où on comprend aisément la différence des deux concepts et celle entre les deux hommes, Alpha Condé et Mamadi Doumbouya.

Pour le premier, une telle décision est lourde de dimensions et implique de réfléchir à toutes les aspects du personnage (ce qu’il a fait de bien ou de mauvais, ses sympathisants et ses opposants).

Pour le second, il pense à l’histoire qu’on ne peut effacer : Sékou Touré est le père de l’indépendance de la Guinée et à ce titre il mérite tous les honneurs de la république. Ainsi, pour Doumbouya, les aspects glorieux de la gouvernance de l’homme l’emportent largement sur les aspects sombres.

Mais pourquoi le personnage Sékou Touré est un sujet aussi clivant dans notre pays ?

C’est parce que notre pays s’est refusé de faire le procès de son passé, de son histoire et s’est refusé de rétablir la vérité historique. Rétablir la vérité historique, c’est de reconnaître les torts de la république (dire qui a fait quoi et pourquoi) , c’est aussi réparer les victimes de la violence d’Etat. Notre pays s’est refusé cela au fil des différentes Républiques. Des victimes de la première à la quatrième République, aucune action de réparation n’a été entreprise par l’Etat pour permettre aux victimes de faire leur deuil. C’est en cela qu’il ne  faut pas mal juger les réactions de désapprobation à la renomination de l’aéroport de Conakry et qu’il faut comprendre ces réactions.

Le colonel Doumbouya doit désormais s’atteler à faire ce travail de réparation sur notre histoire, rétablir la vérité historique et permettre à toutes les filles et à tous les fils de la Guinée de faire face à leur destin commun.

Par Alexandre Naïny Berete

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