Entreprenariat : de l’école au champ, le parcours exceptionnel de Aziz Gobicko, natif de Fria

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Natif de Fria, Abdoul Aziz Diallo « Gobicko » entreprend dans le domaine agricole depuis plusieurs années.

Contrairement à certains jeunes qui optent pour la migration, Aziz Gobicko a après ses études universitaires, d’abord géré une entreprise familiale aux cotés de son père avant de décider de prendre son destin en main après la fermeture de l’usine en 2012.

Malgré son bagage intellectuel et son diplôme universitaire, Aziz s’est tourné vers la terre. Grâce à son abnégation, il est devenu un modèle de réussite dans le domaine agricole, une fierté pour sa famille et sa ville natale.

Aujourd’hui il est le responsable de l’entreprise AGRIFIERE (Agriculteur et Fière) une entreprise spécialisée dans la production agricole sise à Timbi Madina dans la préfecture de Pita.

Dans un entretien qu’il a accordé à la rédaction de friaguinee.net, ce jeune qui force l’admiration est revenu sur les raisons qui l’ont motivé à s’investir dans l’agriculture.

Friaguinee.net : Avec tout ce bagage intellectuel qui n’a rien de commun avec l’agriculture, qu’est-ce qui a motivé votre orientation dans ce domaine ?

Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : Après les études, j’ai décidé d’appuyer mon père dans la gestion d’une entreprise familiale, l’école Amitié Gobicko de Fria qui est une école avec tous les cycles de la maternelle à la terminale. Comme vous savez qu’en 2012 avec la forte crise dans la préfecture de Fria qui a impacté tous les secteurs d’activité y compris le secteur de l’éducation et ayant reçu un gros coup avec cette crise, les activités ont freiné. Et là j’avais plusieurs options tels que l’immigration la recherche d’un emploi et l’entreprenariat. Puisque j’avais sur moi un peu de sous, j’ai opté pour la troisième alternative qui est l’entreprenariat. L’agriculture étant une activité qui m’a passionné depuis tout jeune, je me suis tout de suite lancé dans la production agricole dans la sous-préfecture de Timbi Madina et aujourd’hui grâce à Dieu on produit principalement la pomme de terre mais aussi du haricot, du maïs, du riz et plusieurs autres cultures maraîchères.

Friaguinee.net : Sur combien d’hectares s’étend votre plantation ?

Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : Je vous dirai qu’au départ en mai 2014, on a commencé avec 2500 mètres carrés ce qui fait un quart d’hectare et aujourd’hui grâce à Dieu, je produis en saison sèche quinze hectares et en intersaison cinq hectares, donc je suis aux alentours de vingt hectares par an seulement pour la pomme de terre comme activité principale. Et en arrière-effet de la pomme de terre, histoire d’alterner les cultures, on fait aussi le maïs sur toujours les mêmes hectares, donc après la pomme de terre on met soit du maïs, soit du riz, soit du haricot et autres.

Friaguinee.net : En quelle année avez-vous commencé votre première production et combien de personnes vous employez pour réussir votre activité ?

Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : J’ai commencé à produire en mai 2014. Cela fait plus de sept ans et ça se passe plutôt bien, l’entreprise grandit. De façon permanente, je suis avec dix employés dont deux femmes et pour le personnel contractuel nous sommes à 68 personnes tout en respectant le SMIG pour la rémunération du personnel afin que l’entreprise gagne et que le personnel soit satisfait.

Friaguinee.net : Quelle est votre capacité de production annuelle et comment vous arrivez à évacuer la production?

Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : AGRIFIERE a une capacité de production annuelle de 400 tonnes que nous écoulons sur le marché local. Directement au champ, nous avons des femmes qui viennent récupérer la production ou on a un moyen de conservation. On récolte, on introduit dans la chambre froide qui se trouve à Timbi Madina et on écoule petit à petit.

Friaguinee.net : Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?

Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : Des difficultés j’en rencontre énormément, au niveau de la production même, de la récolte, de la conservation et de la commercialisation. Quand je prends au niveau de la production, nous avons des intrants qui coûtent très chers, ça nous oblige à vendre nos produits très chers aussi. On a des engrais à un prix élevé, la semence elle-même est élevée au prix auquel on l’acquiert, le réchauffement climatique nous embête énormément aujourd’hui. Il y a des intempéries qui viennent avec des maladies de la pomme de terre qu’on appelle le mildiou. Il y a aussi les réalités actuelles du pays notamment la cherté de vie et le coronavirus qui a beaucoup impacté le secteur agricole en général surtout celui de la pomme de terre vu que c’est un produit extrêmement périssable.  L’année passée l’entreprise avait enregistré d’énormes pertes soit 39 tonnes de pourriture. Avec toutes ces difficultés, j’ai eu assez de soutiens au niveau de la fédération des paysans du Fouta, de la chambre d’agriculture, des bailleurs de fonds, du gouvernement qui nous accompagne, également du PGAIG qui a bien voulu faire confiance à l’entreprise AGRIFIERE pour lui permettre de faire une extension de sa zone d’exploitation. De 10 hectares au départ, le PDAIG est en train de permettre à l’entreprise AGRIFIERE d’exploiter aujourd’hui 20 hectares avec un financement à coût partagé.

Friaguinee.net : A combien vous achetez les intrants et à combien vous vendez le kilo de pomme de terre ?

Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : Quand je prends un exemple sur la campagne d’octobre dernier, on acquérait en ce moment le kilo de semence à 15.000 fg. A l’époque le sac d’engrais était carrément vendu à 400.000 fg à Timbi Madina et au moment de la récolte le kilo de pomme de terre se vendait bord champ à 5000 fg parfois à 4500 fg ça dépend.

Friaguinee.net : Avez-vous déjà rencontré des problèmes avec des éleveurs comme cela est récurent dans les autres localités ?

Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : Bon du côté de Timbi, on cherche à sécuriser les champs parce qu’il faut savoir vivre avec les éleveurs aussi. Chacun de nous a son activité, donc il faut essayer de faire la part des choses,en respectant leurs zones à eux et eux aussi doivent respecter la nôtre. On ne peut que sécuriser nos champs en les clôturant. On ne peut pas empêcher les animaux de paitre, donc il arrive parfois qu’il y ait intrusion des moutons ou bien des vaches dans les champs mais on arrive à gérer.

Friaguinee.net : Est-ce qu’il est possible d’évoluer seul dans  l’activité de l’agriculture ?

Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : Non l’agriculture est une activité assez complexe on ne peut pas évoluer seul. La famille nous accompagne ainsi que les partenaires tels que la fédération des paysans du Fouta qui nous fournit en intrants agricoles, la chambre d’agriculture qui a bien voulu mettre à notre disposition une chambre froide pour nous permettre de garder cette année notre production ce qui nous évite cette pourriture de pomme de terre régulièrement . Cette année on a enregistré moins de pertes, on a réussi à gérer notre stock. Le gouvernement nous fournit des engrais et d’autres accompagnements aussi, le PDAIG (Programme Agricole Intégré de Guinée) et l’APIP (Agence de la Promotion des Investissements) en partenariat, nous accompagnent. Ils avaient organisé l’année dernière un concours business plan où l’entreprise AGRIFIERE avait soumissionné et est sortie lauréate. Des cabinets tels que SECCAFI aussi nous accompagnent dans le montage des projets, la recherche de financement et les conseils sur plusieurs choses. AGRIGOLD n’est pas en marge, elle nous accompagne dans la fourniture de semences de pomme de terre.

Friaguinee.net : Quel est le bilan de votre activité pour l’année écoulée ?

Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : Il y a des hauts et des bas, c’est difficile de s’en sortir, c’est difficile de voir le bout du tunnel mais je peux dire que quand on fait le bilan c’est assez positif. Je disais au départ qu’on a commencé avec 2500 mètres carrés et si  aujourd’hui on exploite 20 hectares c’est que s’est positif. En six ans, sept ans on a multiplié par 20, par 30 notre production donc on se dit que ça va par la grâce de Dieu et on espère encore booster plus, histoire d’accompagner le gouvernement guinéen dans sa politique de lutter contre la famine et l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire.

Friaguinee.net : Etes-vous satisfait de votre performance et selon vous comment faire pour atteindre vos objectifs ?

Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : On ne peut jamais être satisfait mais on peut s’approcher de la perfection. Aujourd’hui la Guinée a une population bien donnée, il faut faire de sorte que cette production puisse couvrir la demande sur le marché et chercher à exporter. La Guinée fait partie des premiers producteurs de pommes de terre dans la sous-région et fort malheureusement aujourd’hui la politique agricole fait en sorte que plusieurs pays de la sous-région nous dépasse. Quand je prends par exemple le Mali juste à côté ou bien le Sénégal, on se disait que c’est la Guinée qui les fournissait en pomme de terre mais en réalité c’est tout autre. Aujourd’hui on importe la pomme de terre du Sénégal, pas plus tard que la semaine dernière j’ai parlé avec une amie qui était au Sénégal pour y acheter de la pomme de terre et l’acheminer en Guinée pour la simple raison que là-bas ils font une très bonne production. Aujourd’hui nous sommes en Guinée, nous sommes autour de 15, 20, 25 tonnes à l’hectare alors que là-bas ils sont à 30, 40 tonnes à l’hectare avec des coûts moins chers, ils réussissent à vendre moins cher que nous. Au Mali ils font une belle production, là-bas aussi on importe énormément de la pomme de terre.

Friaguinee.net : Quelle est la cause ou la base de ce problème ?

Diallo Abdoulaye Aziz Gobiko : Simplement c’est une politique agricole organisée, il faut permettre aux producteurs d’avoir des intrants à moindre coût, leur permettre de s’organiser, de se planifier, permettre d’avoir une formation afin qu’ils puissent sortir le maximum du sol. On importe des engrais du Sénégal, on importe des engrais du Mali  et quand je prends le TOGONA c’est des engrais qui sont importés du Mali donc il y a cette valeur ajoutée avant que ça arrive en Guinée ici, il y a toujours ce surplus.

Friaguinee.net : Qu’est ce que vous attendez du gouvernement ?

Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : Je dirai qu’il vaut mieux revoir notre politique agricole et permettre aux producteurs de réduire leurs coûts de production et d’augmenter leurs rendements. Aujourd’hui je suis producteur agricole je suis financier de formation j’aurais bien voulu faire aussi comme les autres amis en me lançant dans les finances, aller dans une banque, dans un cabinet d’audit chercher du boulot ou faire tout comme les autres mais me lancer dans l’agriculture est tout un défi que je compte bien relever. Je voudrais que l’agriculteur soit vu du même œil qu’un banquier ou mieux qu’un banquier, que les jeunes d’aujourd’hui regardent un producteur agricole et qu’ils se disent qu’ils aimeraient bien lui ressembler comme le banquier qui roule dans une grosse voiture, que l’agriculteur lui aussi se permette d’avoir ce luxe, qu’il soit envié par ces jeunes parce que c’est ce qui attire. Si on a plus d’agriculteurs on va vite atteindre l’autosuffisance alimentaire, on va vite lutter contre la famine.

Friaguinee.net : Quel appel avez-vous à lancer à l’endroit des jeunes qui veulent entreprendre dans le domaine agricole ?

  Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : Aujourd’hui on laisse énormément de potentiels dans le pays pour aller ailleurs, ce qu’on laisse dans le pays est beaucoup plus important que ce qu’on part chercher ailleurs. Moi par exemple c’est vrai que j’ai investi  et j’ai été accompagné par d’autres, la famille, des amis. Si je ne m’étais pas lancé dans l’agriculture et que j’avais préféré aller en Occident j’allais investir doublement certainement perdre plus  parce qu’il y a des procédures de l’autre côté aussi. Aujourd’hui en six ans j’ai réussi à réaliser ce que j’ai réalisé, j’ai réussir à faire grandir ça là, j’ai réussi à créer une structure qui recrute des gens et je compte aller plus loin. Donc je dirai aux jeunes au lieu de prendre 1000, 2000, 3000 euros mettre dans la méditerranée pour aller en Europe histoire de chercher des papiers ou aller se réfugier dans un camp, je vous dirai de prendre ces 1000 à 3000 euros et d’investir dans l’agriculture. Nos sols sont inexploités, on a énormément des zones à exploiter et de potentialités ici, cherchons à nourrir nos familles, on gagne plus ici c’est vrai qu’on travaille et quand on va en Occident on travaille deux fois plus et on gagne moins voir perdre plus.

Friaguinee.net : votre mot de la fin

Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : Pour terminer je remercie tout le monde, la famille, les partenaires et tous les amis qui me soutiennent et m’accompagnent. J’exhorte le gouvernement à accompagner plus les producteurs agricoles qui ont osé se lancer dans le domaine, de faire en sorte que ces personnes qui ont osé, réussissent dans l’agriculture. Si ceux-ci réussissent, les autres auront le courage d’emboiter le pas et à faire plus car beaucoup ont compris que la terre nourrit son homme.

Friaguinee.net : Nous vous remercions.

Diallo Abdoulaye Aziz Gobicko : C’est moi qui vous remercie.

Entretien réalisé par Mohamed pour friaguinee.net

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