Assassinat de T. Sankara : L’ancien président Blaise Compaoré sera prochainement jugé au Burkina

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Notre invité ce matin est l’avocat burkinabé Maître Guy Hervé Kam, l’avocat des familles de victimes, partie civile dans le dossier concernant l’assassinat de Thomas Sankara. Trente quatre ans après les faits, le dossier a été renvoyé le 13 avril dernier devant le tribunal militaire de Ouagadougou. L’ancien président Blaise Compaoré, qui fut le compagnon d’armes de Thomas Sankara, sera prochainement jugé avec 13 autres accusés, pour « complicité d’assassinat » et « attentat à la sûreté de l’État ».

RFI : Maître Guy Hervé Kam, cette fois, vous n’avez plus de doute, le procès aura bel et bien lieu ?

Maître Guy Hervé Kam : Oui, le procès aura bel et bien lieu. Nous attendons maintenant la date par le procureur du tribunal militaire.

Que représente ce procès ?

Pour nous, ce procès est un signal fort, qui montre que nul ne peut rester indéfiniment au-dessus de la loi. La décision de la chambre de contrôle, qui renvoie Blaise Compaoré et treize autres personnes à un jugement, ouvre aussi la voie de la réconciliation entre le peuple burkinabè et sa justice, d’une part, et entre le peuple burkinabè et son histoire, d’autre part.

Parmi les accusés figure l’ancien président Blaise Compaoré. Qu’est-ce qui lui est reproché, précisément ?

Il est reproché à Blaise Compaoré, en réalité, d’être au cœur de la planification, de la conception et de l’exécution du coup d’État et l’instigateur de l’assassinat du président Sankara et de douze personnes qui étaient avec lui.

Sur quoi s’appuie l’accusation ?

L’accusation est renforcée par plusieurs éléments factuels. On sait d’où sont parties les armes, on sait avec précision la composition du commando mortel, d’où le commando est parti et à quelle heure. On sait avec précision dans quel véhicule, qui conduisait ce véhicule et l’on sait quelle était leur mission. Tous ces éléments renvoient à Blaise Compaoré.

Pourquoi ?

Parce que, quand vous prenez Hyacinthe Kafando, quand vous prenez le lieutenant Diendéré, à l’époque, ils étaient tous les adjoints de Blaise Compaoré. Le commando mortel est parti dans le véhicule de Blaise Compaoré et il ne peut pas ignorer… Heureusement pour le procès, beaucoup de personnes survivent encore et beaucoup ont estimé que Dieu leur avait donné l’occasion de pouvoir se vider de cette charge, avant de mourir. Donc les gens ont parlé et nous pensons que ce procès sera l’occasion de faire ressortir, enfin, la vérité.

Blaise Compaoré a toujours nié son implication…

Vous savez, devant le juge on n’a pas besoin de l’aveu pour établir la culpabilité de quelqu’un qui est poursuivi. D’ailleurs, dans nos systèmes juridiques, l’aveu n’est pas considéré comme une preuve. La preuve résulte des éléments matériels ou, en tout cas, des témoignages accrédités par des éléments matériels. Et dans ce dossier, le plus important ce n’est pas, d’ailleurs, ce que les personnes accusées vont dire pour faire la vérité judiciaire. Le plus important, c’est que la vérité judiciaire résulte de faits qui les accablent.

Mais vous souhaitez que Blaise Compaoré soit là ?

Absolument, pour que – pour une fois – il puisse dire clairement au peuple burkinabè ce qu’il a fait dans cette affaire. Vous savez, je pense que Blaise Compaoré a, là, une occasion en or de prendre lui-même sa responsabilité.

Vous savez bien que Blaise Compaoré vit à Abidjan, depuis l’insurrection populaire qui l’a chassé du pouvoir, il a pris la nationalité ivoirienne pour se protéger… Est-il possible qu’il soit tout de même extradé ?

Sur le plan juridique, il existe un accord de coopération en matière d’extradition entre nos deux pays et donc Blaise Compaoré peut tout à fait être extradé, même s’il est de nationalité ivoirienne. Ceci étant, nous pensons que les fugitifs burkinabè, avec à la tête le président Compaoré, sont bien protégés par la Côte d’Ivoire. C’est pour cela que nous pensons qu’il est de la responsabilité politique du président Ouattara et de la Côte d’Ivoire de comprendre les attentes du peuple burkinabè, en permettant tout simplement d’extrader le président Compaoré. Parce que c’est lui – le président Compaoré – qui détient la grande clé de ce procès.

Un processus de réconciliation est engagé au Burkina Faso. Un grand forum devrait se tenir cette année à Ouagadougou. Faut-il imaginer une condamnation suivie d’une amnistie dans la foulée ?

On ne présage pas du tout d’une condamnation, parce que jusqu’à présent, Blaise Compaoré n’est pas condamné, il est présumé innocent. Mais ceci étant, même si les faits ont conclu à une éventuelle condamnation, nous ne sommes pas prêts à imaginer que ce procès puisse être organisé et qu’ensuite Blaise Compaoré puisse bénéficier d’une amnistie, alors même qu’il n’a pas daigné venir se présenter devant le juge. Je pense que les conditions de bénéfice de la grâce présidentielle ou de l’amnistie, seraient déjà, pour Blaise Compaoré, de faire un premier pas, de venir lui-même comparaître et de dire la vérité au peuple burkinabè. Le reste pourra s’apprécier à ce moment-là.

RFI.

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