[Tribune]: La République de Guinée, une mère prise au piège par ses enfants (Fodé Gouly Camara)

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‘’Les nouveaux dirigeants ont fourré les bottes des toubabs’’. Permettez-moi chers lecteurs d’introduire ma libre opinion par cette phrase d’un célèbre écrivain qui est l’un de mes environs douze millions d’enfants, dans son ouvrage intitulé ‘’le cercle des tropiques’’ à la personne de Mohammed Alioum Fantouré.

Affranchie depuis le 02 octobre 1958, à l’issue d’un referendum auquel mes braves enfants (parlant d’une seule voix et nourrissant la même envie de faire de moi une mère libre) ont massivement voté ‘’NON’’ contre la main noire tendue par mon ancien maître qui me voulait dans l’Afrique Occidentale Française (AOF). Je devais m’estimer heureuse, je m’estime d’ailleurs heureuse que mes enfants aient pu avoir le droit de décider de ce qui était bon ou pas pour moi. Mais ceci dit qu’une crainte m’a animée, je constatais que les bavures de mes soixante années de colonisation ont tendance à se multiplier au fur et à mesure que les années avancent et ce, avec aux commandes de ma direction mes propres enfants.

En vingt-six ans, le premier régime conduit d’une main de fer par celui que je nommerais le fils aîné a été un régime d’exception. Je venais nouvellement de goûter à une autre forme d’assujettissement déguisé, au cours duquel mes espoirs s’estompaient au fur et à mesure que les années avançaient. Le paradoxe était que je perdais à petit feu cette volonté de m’épanouir, mes rêves d’évolution étaient dominés par cette révolution au nom de laquelle on réduisait considérablement en nombre mes enfants qui avaient le malheur d’être ambitieux.

Au déclin de ce règne du syndicaliste qui mourut au pouvoir le 26 mars 1984, arriva aux commandes mon cadet. Un nouvel espoir renaît en moi et prône la volonté d’unir et d’unifier mes enfants, de guérir la dictature diagnostiquée chez moi il y a bien longtemps par mes toubibs (qui sont l’opinion nationale et internationale), de raccorder le cordon brisé entre les partenaires (nationaux, étrangers) et moi-même, d’offrir la même chance à tous mes enfants de pouvoir se former en association, de former leurs partis politiques, de se faire entendre à travers la liberté d’expression (bien que parfois bafouée) de la presse et la société civile.

Pendant tous les vingt-quatre (24) années de règne de mon cadet (taxé à chaque occasion qui se présentait d’être ‘’analphabète’’), je n’avais jusque-là pas connu de guide élu selon les valeurs démocratiques même si celles-ci n’ont pas de remède à mes différents maux notamment causés par ceux-là qui sont aux commandes.

Le paradoxe était que ce régime de militaires ayant pris le pouvoir sans effusion de sang le 3 avril 1984, subit plusieurs tentatives de le renverser, démasque les commanditaires mais fini par les pardonner. Un régime de pardon certes qui n’a laissé aucune chance de clamer son ras-le-bol aux nombreuses victimes du 22 janvier 2007 au niveau du pont 8 novembre à la rentrée de la commune administrative de Kaloum. D’un régime dictatorial je me retrouvais dans un autre où la séparation des pouvoirs n’existait que dans la ‘’dite’’ constitution, le législatif était un paillasson pour l’exécutif et le judiciaire muet quand ça arrangeait SEKOUTOUREYAH (la présidence). Très affaissé par la maladie, mon bateau naviguait avec un général agonisant qui finit aussi par rendre l’âme au pouvoir le 22 décembre 2008.

Selon la constitution, le président de l’assemblée nationale devait assurer l’intérim suite la déclaration de la vacance du pouvoir par la cour constitutionnelle et organiser les présidentielles dans un délai de quatre-vingt-dix (90) jours comme prévu par celle-ci. Mais fort malheureusement, cela s’est passé autre que les prévisions de la loi. Un autre groupe de putschiste s’empare du trophée et déclare l’avoir fait au soir même du jour suivant 23 décembre de la même année, pendant que la nation cherchait à rendre hommage au vaillant guerrier qu’a été le prédécesseur.

J’observais à nouveau 2 années de transition dans lesquelles je retiens le malheureux massacre de plusieurs de mes enfants le 28 septembre 2008 au stade du même nom. Quelques mois après l’imprévisible président putschiste prend une balle (de l’arme de l’un de ses hommes de confiance) à la tête, il fut évacué pour laisser place à son vice-président peu bavard de reprendre les commandes. Accusé d’avoir commandité le coup raté contre son frère d’arme, il organise très vite les élections et rend le pouvoir aux civils pour profiter du poste fantôme que lui avaient promis les institutions internationales.

Une 4ème constitution pour une 3ème république.
Quel ouf de soulagement !!! Enfin un président démocratiquement élu, une fierté nationale. Le Mandela, se faisait-il appeler et son slogan était ‘’Guinea is back’’. Nous sommes en 2010, je respire le bon air, je ressens une joie perdue depuis le jour de la déclaration d’indépendance avant qu’elle ne me soit vite retirée quelques mois après par les réclamations et contestations liées à l’organisation des élections législatives de 2013, celles liées à l’organisation des élections présidentielles de 2015, celles liées au projet constitutionnel, celles liées à l’organisation des élections législatives qui devaient se tenir en janvier 2019 (mais du fait de trainer les pas, elles sont forcées et mises en couple avec le scrutin référendaire) et les nombreux soulèvements populaire pour dénoncer l’absence notoire des denrées de première nécessité (eau, électricité, etc.), et la hausse vertigineuse du prix des denrées alimentaires entre autres…

Fini toutes ces illusions sur le château de sable. Plusieurs guinéens ont perdu la vie pour avoir réclamé leur droit constitutionnel, plusieurs autres l’ont perdu pour avoir demandé au président de ne pas commettre le parjure et de s’en tenir au respect de la constitution. Est-il nécessaire de tuer un homme pour son soi-disant propre bien ou intérêt ? Quelqu’un disait je cite ‘’Tout ce qui est fait pour nous sans nous, est sans nul doute fait contre nous’’. Les bavures policières et la corruption à outrance autorisée et exécutée par les hauts commis de l’Etat viennent s’ajouter aux multiples violations des droits humains.

Le Mandela guinéen déclarait en 2015 avoir dédié son second mandat à la jeunesse et la couche féminine, est-ce une forme de présentation de la proie aux prédateurs ? Parce que plus de 150 citoyens guinéens dont l’âge varie entre 15 et 25 ans sont tombés en marge des multiples manifestations sociopolitiques, et les femmes sont tellement violées dans leur droit et leur intimité qu’elles peuvent même servir de bouclier humain pour des soi-disant agents des forces de sécurité et de maintien d’ordre. Autant de violations qu’on passerait une décennie à les citer, et le comble est qu’aucune mesure sérieuse de dissuasion n’est jusque-là entreprise par les justiciers pour rétablir les nombreuses victimes dans leur droit parce que comme je l’ai dit ci-haut, le judiciaire est inféodé à l’exécutif.

‘’Les nouveaux dirigeants ont-ils fourré les bottes des toubabs’’, cette question on se la pose parce que la caractéristique des 3 républiques reste les massacres des guinéens et on a l’impression qu’elles ne sont différentes que par le nombre engloutit.
Dire que la 3ème république n’est pas astucieuse, dire qu’elle n’a pas ouvert la voie au développement serait à mon sens une offense à celle-ci. Dire aussi qu’elle s’inquiète pour la vie des populations guinéennes, ça sera une contre vérité et je n’aimerais pas m’aventurer sur ce terrain. Ce régime s’est battu pendant 4 décennies contre le fais que les dirigeants s’éternisent au pouvoir, il s’est battu pour que ceux-ci respectent les prescriptions des différentes constitutions mais, à ce jour il nourrit malheureusement une ambition du tout contraire.
Un de mes nombreux fils se posent tant de questions que je partagerai avec vous, il m’a demandé mère ; je le cite :
‘’Pourquoi je pleure quand on te bastonne ?
Pourquoi je prie quand tu vas mal ?
Pourquoi je suis en deuil quand tu meurs ?
Pourquoi c’est moi qui m’étouffe quand c’est toi qu’on enterre ?
Pourquoi je meurs quand tu agonises ?
Pourquoi je vibre quand ti vis ?
Pourquoi je m’essouffle et je m’entête ?
Pourquoi on s’en fou que tu meurs ou pas ?
Suis-je le seul à m’inquiéter de ta souffrance ?’’ Fin de citation.
Je vous laisse trouver des réponses parce que moi (la Guinée) sincèrement, je n’en ai pas.


Fodé Gouly Camara, journaliste

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