
Reconnu par une majorité des juges de la Cour suprême comme le chef d’une « organisation criminelle » ayant conspiré pour assurer son « maintien autoritaire au pouvoir » malgré sa défaite face au président actuel de gauche, Luiz Inacio Lula da Silva, lors de l’élection présidentielle de 2022, l’ancien président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro a été condamné à un peu plus de 27 ans de prison, ce jeudi 11 septembre.
Le juge Cristiano Zanin ayant estimé que l’ancien chef de l’État avait participé à une « organisation criminelle armée » – il était le dernier à se prononcer -, quatre des cinq juges de la Cour se sont donc déclarés en faveur de sa condamnation. Inéligible jusqu’en 2030 et assigné à résidence à Brasilia depuis début août pour des soupçons d’entrave à son procès, Jair Bolsonaro n’était pas présent aux audiences en raison de son état de santé, selon sa défense.
« Ils appellent cela un procès alors que tout le monde connaissait le résultat avant même que cela ne commence », a réagi sur le réseau social X Flavio Bolsonaro. Le fils aîné de l’ex-président a fustigé une « suprême persécution ».
La défense de Jair Bolsonaro a, elle, annoncé ce 11 septembre qu’elle allait déposer des recours. « La défense considère que les peines prononcées sont incroyablement excessives et disproportionnées et, après avoir analysé les termes de l’arrêt, elle déposera les recours appropriés, y compris au niveau international », selon un communiqué publié sur le réseau social X par Fabio Wajngarten, collaborateur de l’ancien chef d’État.
Un journaliste de l’AFP a pu apercevoir Jair Bolsonaro le matin du 11 septembre dans son jardin, vêtu d’un polo vert et d’un pantalon sombre, en compagnie d’un proche.
Un vote au compte-gouttes
Le procès de l’ancien président divise fortement une opinion ultra-polarisée, y compris dans la capitale. Le juge Moraes a été le premier à voter ce 9 septembre pour la condamnation de l’ex-président, affirmant que le Brésil avait « failli redevenir une dictature » lors du supposé putsch manqué. Jair Bolsonaro est jugé avec sept anciens proches collaborateurs, dont plusieurs ex-ministres et généraux.
C’est la première fois qu’un ancien chef de l’État doit répondre de telles accusations dans un pays encore hanté par le souvenir de la dictature militaire (1964-1985). Ex-ministre de la Justice de Lula, Flavio Dino a, lui aussi, voté pour une condamnation, estimant que les infractions jugées « ne sont pas susceptibles d’amnistie ».
Le courant conservateur tente actuellement de faire approuver au Parlement une loi d’amnistie au bénéfice de son leader.Avec déjà en tête de possibles recours contre une condamnation, le camp de l’ancien chef de l’État avait célébré mercredi le vote du troisième magistrat, Luiz Fux.
Développant une démonstration de plus de onze heures, ce dernier a été le seul à voter pour la relaxe de Jair Bolsonaro. Il a démonté le dossier, dénoncé un manque de preuves et estimé que le complot évoqué n’a jamais dépassé la « phase préparatoire ». Le vote du juge Fux « n’affectera pas le résultat final, mais il influencera l’histoire », escompte le député bolsonariste Luiz Lima.
L’argumentaire a provoqué la colère de Lula, qui a déclaré ce 11 septembre sur le média local Band que « Bolsonaro a tenté de mener un coup d’État dans ce pays ». « Il y a des dizaines, des centaines de preuves », a-t-il affirmé.
Différend entre le Brésil et les États-Unis
L’affaire Bolsonaro est aussi à l’origine d’une crise sans précédent entre la première puissance d’Amérique latine et les États-Unis. Dénonçant une « chasse aux sorcières » contre son allié d’extrême droite, le président américain Donald Trump – qui a qualifié sa condamnation de « très surprenante » -, avait auparavant imposé une surtaxe punitive de 50% à une part importante des exportations brésiliennes. Sitôt la peine de Jair Bolsonaro énoncée, le secrétaire d’État Marco Rubio a, de son côté, promis au Brésil des représailles : Washington va « répondre en conséquence » à cette condamnation « injuste », a-t-il affirmé.
Washington a également annulé les visas de plusieurs juges de la Cour suprême brésilienne et infligé des sanctions financières à l’un d’entre eux, Alexandre de Moraes, rapporteur du procès Bolsonaro. Le Brésil ne se laissera pas « intimider » par les « menaces » des États-Unis, a dit le gouvernement brésilien, en réponse aux promesses de rétorsion lancées par Washington.
Avec RFI