Nécessité de réécrire la charte de la transition en Guinée : Contribution pour un amendement (Karamoko Mady Camara)

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Le 05 Septembre 2021, les Forces de Défense et de Sécurité sous l’appellation de Comité National du Rassemblement pour le Développement ‘’CNRD’’ se sont emparées du pouvoir mettant fin au mandat du Président en fonction.  Depuis cette date, des concertations ont été engagées avec toutes les forces vives de la nation (partis politiques, Organisations de la société civile, syndicats, patronat, confessions religieuses, associations professionnelles et corporatistes, médias etc..).

L’objectif de ces concertations était d’une part d’expliquer à chacune de ces composantes le bien-fondé de leur irruption dans la sphère politique, d’autre part, de recueillir les points de vue de ces différentes entités sur la conduite de la transition. Après plusieurs semaines de conciliabule une charte de la transition a été rendue publique au soir du 27 septembre 2021.

L’objet de la présente contribution est de susciter la réécriture de la charte de la transition proposée au visa des commentaires qu’appelle de notre part son analyse.

  1. DU PREAMBULE :

Observation : L’alinéa 1er du préambule de la charte énonce « Nous, membres des forces de défense et de sécurité de la République de Guinée, regroupés au sein du Comité National du Rassemblement pour le Développement en concertation avec les forces vives de la Nation Guinéenne », cette énonciation nous semble en contradiction avec les fondements de la nation qui reposent sur l’idée d’inclusion. En effet, en mettant l’accent que sur les membres des forces de défense et de sécurité, il apparait clairement que cette composante de la nation se singularise et se dissocie du reste de la nation dont elles sont pourtant partie intégrante. Il s’agit du peuple.

La lecture de cette disposition du préambule contrevient manifestement à son point 1 qui dispose ‘’ Inspirés par la volonté et l’engagement partagé de changement pour le bien-être et le vivre ensemble du peuple souverain de Guinée. Cela signifie que les forces de défense et de sécurité ont agi au nom et pour le compte du peuple. Doit -on considérer alors que la victoire du peuple lui a été dérobé ?  Les rédacteurs de la charte ont-ils été mal inspires de ne pas prendre en compte le ‘’mandant’’[le peuple] ?

D’un autre point de vue, si la charte de la transition est considérée comme ‘’ la constitution’’ de la transition, ne doit-elle pas s’identifier à l’ensemble des composantes de la nation ? Dans l’absolu, la réponse est affirmative -Oui – c’est pourquoi toutes les constitutions – même celle rendue caduque – proclame son émanation du peuple et débute par Nous peuple de Guinée.

Commentaire : Revoir la formulation et remplacer Nous, membres des forces de défense et de sécurité de la République de Guinée par Nous, Peuple de Guinée si tente qu’il soit de croire que le point 1 du préambule est sincère. 

  1. DISPOSITIONS PRELIMINAIRES :

Observations chapitre 1er : Le chapitre 1er intitulé DES VALEURS ET PRINCIPES nous semble très superflu. Il comporte deux notions séparées pourtant indistinctement listées sous ce chapitre. A la lecture, rien ne laisse présager ce qui constitue LES VALEURS ou les PRINCIPES. Il est un principe cardinal en droit que le fondement de la distinction repose sur son intérêt. En d’autres termes, les valeurs et les principes devaient être séparés avec un ‘’chapeau’’ pour chacun afin de ressortir l’intérêt de chacun.

Commentaire : Une illustration aurait pu être :

CHAPITRE 1 : VALEURS ET PRINCIPES

SECTION 1 : DES VALEURS

La conduite de la transition repose sur les valeurs suivantes :

SECTION 2 : DES PRINCIPES

Les principes qui gouvernent la transition sont :

Observations chapitre 2 : Le chapitre 2 intitulé DES MISSIONS dispose ‘’ Les missions de la Transition consacrées par la présente Charte sont entre autres :  Cette formulation est-elle la justification de l’absence de la durée de la transition dans la charte ? l’on serait amené à s’y interroger d’autant plus que la durée de la transition dépend de la mission qui lui est assignée. Or, visiblement l’étendue de la mission est inconnue en témoigne l’expression ‘’ entre autres’’ qui induit l’absence d’autres missions non définies. Ce qui pourrait à terme conduire à des ambiguïtés car aucune limite n’étant fixée à la mission dévolue à la transition il ne serait pas surprenant que d’interminables ‘’nouvelles’’ missions viennent justifier l’indéfinie durée de la transition.

Commentaire : Il serait plus judicieux de reformuler cette disposition ainsi : Les missions de la Transition consacrées par la présente Charte sont  

  1. CHAPITRE IV : DES LIBERTES, DEVOIRS ET DROITS FONDAMENTAUX

La jouissance des libertés individuelles et collectives s’apprécie à l’aune de leurs exercices sans restriction. Ainsi, la liberté de circuler, d’aller et venir, peuvent s’en trouver affecter lorsque des mesures (sécuritaires ou sanitaires illustrativement) l’imposent. Il en va par exemple de la pandémie de COVID 19 qui obligent les autorités administratives à déclarer l’état d’urgence sanitaire dont la principale conséquence est la restriction des libertés publiques (couvre-feu, interdictions diverses.). Nonobstant cette évidence, l’alinéa 2 de l’article 8 dispose’’ Aucune situation d’exception ou d’urgence ne doit justifier les violations des droits humains. La question que cela soulevé est de savoir comment les rédacteurs de la charte ont pu imaginer un seul instant qu’aucune situation ne peut entrainer la violation des droits humains alors même comme cela est démontré plus haut, l’urgence sanitaire est une illustration. Mieux, l’article 18 dispose que‘’ Tout citoyen a le droit de circuler librement à l’intérieur du territoire national, d’en sortir, d’y revenir et de s’y établir temporairement ou durablement. II ne peut être porté atteinte à ces droits que dans les conditions définies par la loi.

 Commentaire :  supprimer l’alinéa 2 de l’article 8.

Observations :L’article 9 dispose ‘’Tous les citoyens guinéens sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans aucune distinction’’ tandis que l’article 60 énonce : ‘’les membres du gouvernement et ceux des institutions dissoutes à la date du ()5 septembre  2021 ne peuvent être désignés au Conseil National de la Transition’’. Visiblement, ces deux articles sont contradictoires. L’article 60 est en effet manifestement discriminatoire. Bien que qu’il soit compréhensible que les rédacteurs de la charte soient animés de l’idée de rupture avec le régime déchu, il n’en demeure pas moins qu’aux yeux de la loi, ils ne peuvent subir être écartés qu’à la suite d’une décision qui les déchoit de leurs droits civiques autrement dit, qu’une décision de justice soit rendue à leur encontre et les condamnant à des peines infamantes. A défaut, les rédacteurs mêmes s’exposent à la rigueur de l’article 15 qui ‘’punit quiconque par un acte de discrimination raciale, ethnique, religieuse, par un acte de ou par tout autre acte porte atteinte à l’unité…’’

IV- TITRE 11 : DES ORGANES DE LA TRANSITION

Observations :   l’Article 36 cite les organes de la Transition :

  • Le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) ;
  • Le Président de la Transition ;
  • Le Gouvernement de la Transition ;
  • Le Conseil National de la Transition.

La question légitime qui se pose est de savoir si le Président de la Transition est une autorité ou un organe ? en d’autres termes, le Président de la transition est-il une personne physique ou une institution ? A notre sens, le Président de la République ne peut nullement être au titre des organes d’autant plus qu’il est une personne physique alors que les organes sont des personnes morales. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle leur désignation est suivie de la mention ‘’ composées de‘’. Il est donc constant, que le Président n’est pas un organe, plutôt la présidence qui en est un.

Également, serait-il pertinent de dissocier le Président de la transition du CNDR (organe central de définition et d’orientation stratégique de la politique économique, sociale, culturelle et de développement du pays) dont il est par ailleurs le Président ? L’autre observation majeure, est le fait que le Président de la transition ne soit nullement secondé et aucun mécanisme de remplacement n’est prévu par la charte alors même que peut survenir du fait des aléas naturels un empêchement temporaire ou définitif.

Commentaire :  Remplacer Président de la transition par Présidence de la transition et prévoir un mécanisme de remplacement du Président de la transition en cas d’empêchement temporaire ou définitif.

Observations : l’article 38 prévoit que le Président de la transition ‘’Dispose du pouvoir règlementaire et peut prendre des ordonnances’’. Cette formulation nous semble alambiquée car, elle sous-entend que le président de la transition peut à la fois user de son pouvoir règlementaire et de celui de prendre des ordonnances. Or, la prise d’ordonnance nécessité une loi d’habilitation. Telle que formulée, cela se trouve acquis d’office. Ce qui ne peut être le cas puis que les ordonnances sont une incursion de l’exécutif dans le législatif.

Commentaire : Se limiter à ‘’Dispose du pouvoir règlementaire’’ qui est un principe alors que l’ordonnance est une exception.

Telle est la substance de la contribution à l’amendement de la charte de la transition. Que veille sur la Guinée et bénisse les Guinéens.

Par Karamoko Mady CAMARA

Expert Juridique – Analyste politique

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