Guinée : Dadis, Pivi, Tiegboro et Chérif interdits de mettre pieds en Europe et leurs avoirs gelés

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Dans un courrier daté du 12 mai, Josep Borrell, haut représentant et vice-président de la Commission européenne, a indiqué que cinq auteurs du massacre du 28 septembre « (faisaient) l’objet d’un régime de sanctions individuelles de l’UE (interdiction de voyager sur le territoire des États membres de l’UE et gel des avoirs qui y sont détenus). Le renouvellement de ce régime de sanctions sera examiné en septembre 2021. »

Il s’agit de Moussa Dadis Camara, qui présidait au moment des faits le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) et réside aujourd’hui au Burkina Faso, de Jean-Claude Pivi, alors chargé de la sécurité présidentielle, de Moussa Tiégboro Camara, ex-ministre des Services spéciaux, de la Lutte antidrogue et du Grand Banditisme, d’Abdoulaye Chérif Diaby, ex-ministre de la Santé, et de l’ancien aide de camp de Dadis Camara, le lieutenant Aboubacar Sidiki Diakité, dit Toumba Diakité.

Ce courrier de Josep Borrell laisse entendre que ces sanctions sont effectives. Leur application fait suite à une lettre adressée le 8 avril par 32 eurodéputés. Ils réclamaient notamment la « mise en action » du « nouvel instrument de sanctions » dont l’Union européenne (UE) s’est dotée le 7 décembre 2020 pour « cibler les responsables de graves violations des droits de l’homme et de graves atteintes à ces droits partout dans le monde, quel que soit le lieu où elles sont commises et quelle que soit l’identité de ces personnes ».

« Nous sommes ravis de constater une avancée sur le système de sanctions, qui permettent aujourd’hui de punir cinq personnes, même si, vu l’ampleur des violences survenues le 28 septembre 2009, ce n’est pas suffisant. Mais c’est un début, car à un moment donné la diplomatie ne suffit plus. Et quel est le poids de l’Europe au niveau international si elle n’a pas de moyen de pression ? » commente Salima Yenbou, eurodéputée du Groupe des Verts.

Le chef de file de l’opposition Cellou Dalein Diallo, président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), qui, comme Bah Oury, fondateur de ce parti, avait été grièvement blessé le 28 septembre 2009, a salué ces sanctions. « On ne peut que se réjouir. C’est un pas de plus dans la lutte contre l’impunité qui encourage la récidive dans la violation des droits humains, a-t-il réagi. Malheureusement, en Guinée, Alpha Condé utilise ce massacre comme instrument d’intimidation des militaires impliqués dans les exactions pour les avoir à sa dévotion, et il n’est pas prêt pour l’instant à les juger. Il se sert de ces hommes aux mains sales pour continuer à réprimer, et ces derniers savent que leur sort dépend d’Alpha. »

Courrier musclé des eurodéputés

Dans leur courrier adressé le 8 avril 2021 à Josep Borrell, les 32 eurodéputés ne mâchent pas leurs mots sur la situation politique en Guinée. Ils évoquent le double scrutin référendaire et législatif du 22 mars 2020 comme « l’une des élections les plus contestées, les plus violentes et les moins démocratiques » du pays, avec un fichier électoral « taillé sur mesure », rappellent que « monsieur Alpha Condé » est « resté sourd » face à tous les appels au dialogue des leaders religieux, déplorent « une rupture de la démocratie » ou encore la mort de 250 personnes « tuées souvent à bout portant par des agents des forces de défense et de sécurité » dans des « manifestations pacifiques » de l’opposition depuis 2010.

Un ton vigoureux assumé. « Les signataires sont pour la plupart de nouveaux parlementaires qui en ont marre de la langue de bois, résume l’eurodéputée Salima Yenbou. Il y a par ailleurs une volonté de voir la Commission européenne se positionner de façon plus ferme face à certaines situations, et pas seulement en Guinée. »

À Conakry, la présidence, par la voix de son conseiller spécial Tibou Camara, a émis des doutes sur l’objectivité de « ce groupe de députés » : « En ne tendant une oreille attentive qu’aux allégations d’opposants au régime, (il) n’a donc perçu qu’un seul son de cloche. (…) Le gouvernement réitère sa volonté et sa disponibilité à recevoir toutes les bonnes volontés et à discuter (…) de la « situation » réelle de la Guinée, sans préjugés ni procès d’intention », a-t-il dit. Et de préciser que « Son Excellence professeur Alpha Condé a un passé politique et une éthique personnelle qui l’engagent à défendre et promouvoir les droits humains et à toujours militer pour la démocratie ».

« En tant qu’eurodéputés, nous tenons à entendre toutes les voix, y compris celles des sociétés civiles, qui doivent avoir le droit de cité. Mais, quand on interpelle de la sorte, c’est qu’on a déjà émis des appels auprès des officiels… Et puis nous voyons aussi les images, les vidéos qui circulent lorsque des exactions sont commises.

Le président guinéen prétend avoir une éthique, promouvoir les droits de l’homme et la démocratie. Qu’il nous le prouve en organisant des procès pour juger les personnes supposées responsables de violences dans son pays. De notre côté, nous faisons notre part en appliquant des sanctions sur notre territoire », rétorque l’élue européenne Salima Yenbou, en allusion également aux centaines d’arrestations arbitraires consécutives à la présidentielle du 18 octobre dernier.

Avec le point.fr

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