Trump lance sa guerre commerciale contre l’Europe

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Donald Trump vient de prendre l’une des décisions les plus lourdes de conséquences de son mandat : au 1er juin, les tarifs douaniers de l’acier européen à 25 % et de l’aluminium européen à 10 %. Il met ainsi à exécution ses menaces de guerre commerciale dont il avait jusqu’ici repoussé par deux fois l’échéance. L’Union européenne a aussitôt réagi en indiquant que, dès le 1er juin, elle lancerait une procédure à l’encontre des États-Unis au sein de l’OMC. Elle se donne la possibilité de « rééquilibrer » ces sanctions par des représailles douanières sur des produits américains pour un montant équivalent aux dommages causés. L’Union européenne a, en effet, préparé des contre-mesures qui viseraient le bourbon du Kentucky, les sodas, les motos Harley-Davidson, les jeans Levi’s et le beurre de cacahuète. Des secteurs qui affecteraient plusieurs millions de travailleurs aux États-Unis.

Jean-Claude Juncker s’est dit « préoccupé ». Un vocabulaire plus que mesuré comme si le président de la Commission ne voulait pas jeter de l’huile sur le feu vis-à-vis d’un président américain qu’il sait impulsif. Les nombreux pourparlers de la commissaire au Commerce Cécilia Malmström avec son homologue américain, Willbur Ross, n’auront servi à rien. Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, a été le dernier dirigeant européen à rencontrer le secrétaire au commerce américain. En sortant de cette entrevue, le sentiment d’un échec se profilait à travers les propos du ministre. Pour Le Maire, les décisions américaines étaient « injustifiées, injustifiables et dangereuses ».

 Travail de sape de l’OMC

Précédent les sanctions américaines, Emmanuel Macron a appelé, mercredi, à « refonder les règles de l’Organisation mondiale du commerce ». Le président français a enjoint à l’Amérique de ne pas liquider l’OMC, et notamment ses organes juridictionnels. Les États-Unis ont, en effet, entamé un travail de sape visant à bloquer le renouvellement successif des juges de l’organe d’appel de l’OMC. À noter que cette attitude n’est pas attribuable au seul président Trump. Le blocage progressif de l’OMC a débuté sous l’administration Obama.

« Il faut relancer la capacité de l’institution à édicter de nouvelles règles (…), a lancé Emmanuel Macron. L’organe de règlement des différends est un progrès essentiel du multilatéralisme. Il permet de faire respecter les règles et de régler les différends de façon juste entre les pays. Mais nous devons améliorer son fonctionnement, notamment celui de son organe d’appel. Et, si je peux entendre les critiques, je rejette la méthode du blocage qui est une menace pour l’ensemble du système. » Les États-Unis se sont, en effet, plaints de certaines décisions à leur encontre qui ne leur paraissaient pas justes…

« Un fusil braqué sur la tempe »

Emmanuel Macron propose que la réforme de l’OMC débute par une conférence internationale réunissant, au départ, les États-Unis, la Chine, le Japon et l’Union européenne (*), « qui serait rapidement étendue aux pays du G20 et de l’OCDE ». Selon le président français, le G20 de Buenos Aires serait l’occasion d’établir une première feuille de route à partir d’un diagnostic partagé des dysfonctionnements de l’OMC. Toujours selon Macron, les règles de la concurrence commerciale ont besoin d’une mise à jour qui tienne compte des grands changements. Implicitement, il a visé les « subventions publiques massives » chinoises qui distordent les marchés mondiaux et a appelé à une meilleure protection de la propriété intellectuelle, des droits sociaux et du climat.

Le problème de la surcapacité de l’acier chinois a été abordé par une action conjointe de l’Europe, des Américains et des Japonais à la fin de l’année 2017. La position de Trump vis-à-vis de l’acier et de l’aluminium européens est, de ce point de vue, parfaitement illogique de ce point de vue. Les Européens se perdent en conjectures pour analyser ce que souhaite vraiment le président Trump et refusent, en attendant, de négocier « un fusil braqué sur la tempe », selon l’expression du président Macron.

Œil pour œil, dent pour dent

« Trump imagine qu’il va nous tordre le bras pour vendre plus de voitures américaines en Europe, observe-t-on à Bercy. Mais il se trompe dans son calcul. Quand bien même il s’ouvrirait au marché européen, les voitures américaines sont trop grandes consommatrices d’essence pour les consommateurs européens. Il n’en vendrait pas assez. Ces modèles ne sont pas faits pour l’Europe ! » Néanmoins, Trump pointe du doigt le trop grand excédent commercial allemand et, de ce point de vue, il apporte du moulin au camp français qui pousse, depuis longtemps, l’Allemagne à investir davantage ses excédents commerciaux pour relancer l’économie de ses partenaires… De manière ténue, et sur ce point seulement, les points de vue américain et français se rejoignent.

Pour le reste, l’attitude guerrière d’un Trump prêt à sanctionner les entreprises européennes tant sur l’acier que sur le dossier iranien alarme les chancelleries européennes. « Les guerres commerciales précèdent les guerres », prédisait Emmanuel Macron à l’OCDE. « Ceux qui cèdent à ce mirage d’une prospérité isolée, l’histoire les rappellera à l’ordre », poursuivait-il, rappelant que l’affaiblissement de la Société des Nations, le protectionnisme, le réveil du nationalisme, la fascination du pouvoir autoritaire avaient conduit au désastre de la Seconde Guerre mondiale, dont l’Europe a payé un très lourd tribut.

Sur le dossier iranien, l’Union européenne prépare la révision du règlement anti-boycott de 1996 pour août prochain, date de l’entrée en vigueur des sanctions américaines. Si l’Europe ne souhaite pas l’escalade, elle introduira néanmoins dans ce règlement rénové la possibilité de représailles directes contre les intérêts américains en Europe. Si une entreprise européenne est victime de sanctions aux États-Unis, les entreprises américaines de la filière concernée ou ses concurrentes directes pourraient se voir pareillement sanctionnées sur le territoire européen. Œil pour œil, dent pour dent. Une possibilité qui n’existe pas. Pour le moment.

LEPOINT

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