Affaire du port de Conakry : « Vincent Bolloré ne peut rester impuni » selon Sophie Talbot, la fille de Richard Talbot, ancien dirigeant de Necotrans

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Sophie Talbot est la fille de Richard Talbot, ancien dirigeant de Necotrans, un groupe de logistique international créé en 1985 et présent en Afrique pendant près de trente ans. En 2008, le groupe avait remporté l’appel d’offres pour la concession du port de Conakry, en Guinée. Au lendemain de l’élection d’Alpha Condé, en 2010, le groupe avait pourtant été brutalement évincé du port au profit de Bolloré. En crise depuis plusieurs années, la société a été reprise, en 2016… par Bolloré.

Cet épisode du port de Conakry est aujourd’hui au cœur du dossier judiciaire qui a valu à Vincent Bolloré d’être mis en examen par les juges du pôle financier de Paris pour corruption d’agent public étranger, complicité d’abus de confiance, faux et usage de faux. Il est soupçonné, en Guinée (mais aussi au Togo) d’avoir bénéficié de concessions portuaires en échange du financement d’une partie des campagnes des présidents de ces deux pays, via sa filiale Havas.

Sophie Talbot  a adressé cette tribune au site nouvelobs.com.

« Je veux simplement que Vincent Bolloré sache que j’ai été saisie par une émotion débordante lorsque j’ai appris qu’il était placé en garde à vue »

« Mon nom est Sophie Talbot. Aujourd’hui je suis seule et complètement dépourvue face à Vincent Bolloré, pour défendre la mémoire de mon père Richard Talbot.

Et parce qu’aucun réseau − ni politique, ni groupe de presse, ni financier − ne me soutiendra jamais, je veux faire savoir qu’il ne me reste que la justice de notre pays.

Car Vincent Bolloré ne peut rester impuni, après le combat sans foi ni loi qu’il a mené contre mon père. Combat qui l’a détruit.

Mon père avait développé Necotrans qui était une belle entreprise française de transport et de logistique. 6.000 salariés, 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, plusieurs ports en gestion exclusive ou en partenariat. Le groupe Bolloré la considérait en concurrence, mais elle intervenait en complémentarité avec lui sur les ports africains.

C’est dans ces conditions que, sur appel d’offres international, Necotrans via sa filiale Getma obtient, en 2008, la concession du port de Conakry. Mais, au lendemain de l’élection du président Alpha Condé en Guinée en 2010 − dont la campagne électorale aurait été organisée par le groupe Havas, Getma fut chassée manu militari du port de Conakry… Le fait du prince ayant donc bénéficié à l’actionnaire principal d’Havas, le groupe Bolloré, qui a immédiatement récupéré le port.

Mon père fit alors trois procès. Un premier, contre le groupe Bolloré devant le tribunal de commerce de Nanterre, qu’il gagna. Un deuxième, contre l’Etat de Guinée en arbitrage international, qu’il gagna aussi, par deux sentences (CCJA et CIRDI) et la Guinée a été condamnée à plus de 40 millions d’euros. Mais elle n’a jamais payé. Un troisième, en déposant une plainte pénale en corruption internationale, qui fut classée sans suite en trois mois par le parquet de Paris (ce qui est un délai très atypique). Mais c’était en 2011, et il n’est pas impossible que l’information judiciaire aujourd’hui démontre que ce classement répondait à des motifs d’opportunité politique et d’amitié, plutôt qu’à des raisons de droit.

Et si tel était le cas, le scandale serait énorme.

En tout état de cause, pour moi, le groupe était ébranlé. Mon père, souffrant, sentant sa mort prochaine, me transmit 100% des parts de la holding de tête, avec paiement différé des droits de mutation (selon les dispositions de la loi Dutreil), ce qui fait que le groupe ne valant plus rien aujourd’hui, je suis incapable de payer les droits de donation calculés sur sa valeur passée. Alors le pavillon et l’appartement que ma mère retraitée et moi possédons en banlieue risquent d’être saisis. Nous n’avons rien d’autre, mon père ayant toujours tout investi dans son groupe.

Une fois mon père décédé, et compte tenu des difficultés auxquelles le groupe était confronté, et qui n’ont sans doute pas été suffisamment anticipées, j’ai été contrainte de mettre en vente Necotrans. Mais je n’ai pas pesé grand-chose face à de puissants groupes qui connaissent les banques et qui attendaient que Necotrans fasse faillite pour le racheter à vil prix. Ainsi Bolloré a-t-il récupéré, à la casse, devant le tribunal de commerce, ce qui l’intéressait, parachevant la stratégie qu’il avait mise en place et de longue date contre Richard Talbot.

Aujourd’hui je veux simplement que Vincent Bolloré sache que j’ai été saisie par une émotion débordante lorsque j’ai appris qu’il était placé en garde à vue, en pensant à la mémoire de mon père. »

Sophie Talbot

 

 

 

 

 

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