[Contribution] : Les représailles de la France de Degaulle contre le Non de la Guinée le 28 septembre 1958 (Par Khalil Kaba)

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La Guinée est devenue le premier pays francophone d’Afrique subsaharienne à devenir indépendant de la France, après avoir voté «non» le 28 septembre 1958 au référendum instituant une «communauté» franco-africaine, proposée par le général de Gaulle.
Pour défendre son idée, à l’été 1958, le général se lance dans une grande tournée des pays africains, d’Alger à Dakar, en passant notamment par Conakry.

Le 25 août, de Gaulle arrive à Conakry, capitale de ce qui n’est pas encore la Guinée. Il est accueilli par le jeune maire et député (RDA, Rassemblement démocratique africain, apparenté PC) du territoire, Ahmed Sékou Touré. Du haut de ses 36 ans, vêtu de son boubou blanc, signe de son africanité, il oppose au vieux général, âgé de 67 ans, un discours fort: «Nous ne renoncerons pas et nous ne renoncerons jamais au droit légitime et naturel à l’indépendance.»
«Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage»

En réponse à ce discours audacieux du jeune leader Degaulle dira: « Cette Communauté, la France la propose ; personne n’est tenu d’y adhérer. On a parlé d’indépendance, je dis ici plus haut encore qu’ailleurs que l’indépendance est à la disposition de la Guinée. Elle peut la prendre, elle peut la prendre le 28 septembre en disant « non » à la proposition qui lui est faite et dans ce cas je garantis que la Métropole n’y fera pas obstacle » déclare Degaulle furieux avant d’ajouter un plus tard :La Guinée, Messieurs, n’est pas indispensable à la France. Qu’elle prenne ses responsabilités. Nous n’avons plus rien à faire ici. Le 29 septembre, la France s’en ira. »

Le chef du gouvernement français lie la parole à l’acte en annulant toutes les réceptions prévues, refusant de dîner avec Sékou Touré comme convenu initialement et quitte Conakry le lendemain matin. Sékou Touré qui devait embarquer pour Dakar avec lui ne viendra pas. Il arrivera avec plusieurs heures de retard à l’Assemblée fédérale de l’AOF.

Aussitôt rentrer en France, Charles Degaulle met en branle son vaste plan de représailles :

La France décida de fermer le robinet, de couper tous les crédits, tous les bureaux des fonctionnaires coloniaux furent totalement vidés de tout, y compris des fils électriques et des fils de téléphones arrachés et embarqués vers la métropole. Même le versement des pensions des anciens combattants fut suspendu.
L’usine de Sérédou qui fabriquait la quinine fut obligée de mettre la clé sous la porte, la formule de fabrication du médicament antipaludéen encapsulée et emportée vers Paris.
Une guerre secrète appelée opération Persil fut menée contre le nouvel Etat indépendant. Une marque de lessive en vogue à l’époque, fut montée pour déstabiliser Conakry.
Lorsque la Guinée a choisi de quitter la zone Franc et de créer sa propre monnaie, le marché guinéen fut inondé nuitamment de fausse monnaie fabriquée par les services de l’hexagone et l’ancienne puissance coloniale était loin d’être complètement étrangère aux différentes tentatives de coup de force contre le nouveau régime.

Malgré ce sabotage à grande échelle, le jeune État guinéen, avec l’aide d’un pays frère comme le Ghana, a réussi à se maintenir de manière digne. La suite de l’histoire tout le monde la connaît.

Par Khalil Kaba/Sociologue

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