
Leurs vidéos sont devenues virales : des jeunes femmes en robes boubou qui dansent sur les tubes du moment. Nouvelle tendance populaire en Afrique de l’Ouest, les « soirées Dior » suscitent une vive polémique. Ces moments de fête entre femmes sont considérés par certains comme un symptôme de débauche, au point que le Mali vient de les interdire sur son territoire.
La tendance s’est répandue sur les réseaux sociaux comme une traînée de poudre, provoquant une polémique tout aussi incontrôlable. En quelques mois la mode dite des « soirées Dior », partie de Guinée, est devenue un véritable phénomène de société en Afrique de l’Ouest, par le biais de vidéos massivement relayées sur TikTok.
Des groupes de jeunes femmes s’y mettent en scène, vêtues de robes traditionnelles africaines, dansant avec ferveur sur des tubes du moment. Des fêtes entre filles, organisées dans des appartements, des boites de nuit ou des restaurants, que certains jugent immorales et qui valent à leurs participantes une avalanche de critiques.
Tendance luxe et boubou
Les « soirées Dior », également appelées « boubou party », font référence à la célèbre maison de couture française, symbole du luxe et de l’élégance. La marque s’était elle-même inspirée, il y a quelques années, des motifs batik et tie-and-dye africains pour ses créations, suscitant un débat sur l’appropriation culturelle.
Mais le surnom est resté pour qualifier les robes traditionnelles africaines, évoquant désormais le caractère convivial et sélectif de ces fêtes, le plus souvent réservées aux femmes.
L’engouement autour des soirées Dior surfe également sur le retour à la mode du boubou. Délaissé un temps au profit de tenues considérées comme plus modernes, ce vêtement traditionnel a regagné en popularité ces dernières années, arboré fièrement comme un symbole d’identité culturelle africaine.
Débat culturel autour du twerk
Mais sur les réseaux, les « soirées Dior » sont devenues une cible, considérées par certains comme le symbole de la dépravation de la jeunesse. En cause, la pratique du twerk dans de nombreuses vidéos, danse sensuelle qui consiste a remuer en rythme le bassin et les fesses, et parfois la présence d’alcool, dont la consommation demeure mal perçue.
Face à ces critiques, des participantes sont montées au créneau pour défendre les « soirées Dior ». Des fêtes placées sous le signe de la sororité et de l’amusement dont le but est de mettre en valeur et de promouvoir la culture africaine, affirment-elles.
L’homosexualité en ligne de mire
Au-delà du simple débat sur la pratique du twerk, les détracteurs des « soirées Dior » dénoncent une promiscuité excessive entre les participantes qui seraient, affirment-ils, nues sous leurs boubous, allant jusqu’à qualifier ces fêtes de « lesbiennes ». Un sujet explosif en Guinée – où l’homosexualité est criminalisée et passible d’une peine d’emprisonnement – et plus généralement en Afrique de l’Ouest. Deux pays, le Mali et le Burkina Faso, y ont récemment durci leurs législations dans ce domaine.
Sur les réseaux, la chanteuse Marie Fac, également organisatrice de « soirées Dior » a adressé un message sans équivoque à ses détracteurs : « Certains jurent sur la vie de leurs mères sur les réseaux sociaux et disent que je suis lesbienne, juste pour prouver quoi, au juste ?
Éduquons nos enfants, s’il vous plaît ».
D’autres optent pour un ton plus ironique : « Soyez honnête Monsieur (…), Est-ce que c’est le fait que les femmes twerk qui vous pose problème ou le fait que vous n’êtes pas invité pour vous frotter derrière ? » peut-on lire sur un post Facebook, attirant plus de cent commentaires.
« Les hommes n’ont pas la bonne compréhension des ‘soirées Dior’ » regrette Yamciss, jugeant la polémique « exagérée ». Employé du club Nimba Palace à Conakry, ce Guinéen de 27 ans a participé à l’organisation d’une grande boubou party, le 1er aout, « sans aucun débordement » insiste-t-il.
« Notre soirée a été un franc succès pour nous mais également pour les vendeuses de robes avec qui nous nous étions associés pour l’événement », souligne-t-il. Car ces soirées en vogue constituent un business florissant pour de nombreux professionnels, rappelle-t-il, couturières, vendeuses mais également styliste, coiffeuses ou maquilleuses.
Pourtant, fin août, deux communes guinéennes, Lola puis Siguiri, ont interdit coup sur coup les « soirées Dior » sur leurs territoires, fustigeant une « danse à caractère sensuel » qui porte atteinte à la pudeur en milieu public, à nos coutumes et mœurs ».
Le 8 août, le Mali, voisin de la Guinée, leur a a emboîté le pas. Le gouverneur du district de Bamako a décrété une interdiction similaire pour des « raisons d’ordre public », évoquant des pratiques « contraires aux bonnes mœurs ».
Une interdiction généralisée depuis, par le ministre de la Justice et des droits de l’Homme, à l’ensemble du pays.
Avec France 24