Fria : au cœur des activités des femmes rurales

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Représentant plus de la moitié de la population guinéenne, les femmes guinéennes en général et celles rurales en particulier, sont laissées pour compte. Leur accès aux services publics notamment l’éducation, et la santé est inférieur à celui des hommes.

Souvent appelées « sexe faible », les femmes sont pourtant indispensables au développement socio-économique d’une nation.

Comme les autres préfectures du pays, Fria qui compte trois sous-préfectures n’est pas en marge de cette réalité.

Dans les sous-préfectures de Baguinet et Tormèlin par exemple, les femmes jouent un rôle important dans la communauté.

Elles acceptent tout pour sauvegarder le foyer

A Wawaya, le chef-lieu de Baguinet, le mariage précoce et les violences conjugales sont d’actualité et les femmes pour sauvegarder l’honneur de la famille, se plient en quatre.

Mariama Diallo, une fille âgée de 13 ans, a failli ne pas terminer les épreuves de l’examen d’entrée en 7ème à cause de son mariage célébré le 23 juin 2018, deuxième jour de l’examen. Bien que consciente des dangers auxquels sa fille est exposée, Fatou Barry, affirme être obligée d’accepter et de faire accepter sa fille, dans le but non seulement de sauver l’honneur de sa propre famille mais aussi pour pérenniser son foyer.

« Depuis que mon mari m’a dit qu’il a donné la main de notre fille à son neveu Souleymane, je ne dors pas bien. Ça me rappelle ce que j’ai vécu après mon mariage à l’âge de 14 ans. Ni moi ni ma fille, ne devons-nous opposer à la décision du père sinon nous risquons d’être reniées par toute la famille et moi je risque de perdre mon foyer. C’est ainsi que j’ai supporté plusieurs années de violences conjugales parce que je n’ai jamais raison face aux propos de mon mari, je dois toujours lui demander pardon et accepter de subir pour la bénédiction de mes cinq enfants » explique-t-elle.

Fatou Barry et d’autres femmes de la localité sollicite la présence d’ONG de défense de leurs droits pour disent-elles sauver leurs enfants du calvaire qu’elles (les mères) ont subi.

« Nous entendons qu’en ville, il y a des gens qui défendent les femmes et les enfants, nous voulons que ces personnes viennent à Wawaya pour nous aider, surtout nos enfants qui grandissent. Nous, nous avons déjà tout subi, nos enfants aussi commencent à subir, nous n’osons pas parler, si ces gens (ONG) sont là, ils peuvent parler à notre place » sollicite Mariama Kandia Diallo.

L’alphabétisation pour combler un grand vide

Dans cette sous-préfecture située à 20 kilomètres du centre-ville, le taux de scolarisation est  en général faible mais les filles sont les plus affectées par cette réalité.

Le taux de scolarité de la jeune fille, bien que bas, régresse au fur et à mesure que le cycle change. Pour cause, elles sont confrontées à plusieurs difficultés notamment le mariage précoce, le manque de niveau et le manque de soutien parental dû à l’analphabétisme des géniteurs. C’est pourquoi, les femmes adultes de Baguinet sont à 90% analphabètes. Face à cette situation, plusieurs femmes de la localité se sont inscrites dans le programme national de l’alphabétisation et de l’éducation des adultes 2016-2018, initié par le ministère en charge de l’éducation nationale et de l’alphabétisation en collaboration avec la direction nationale de l’alphabétisation et l’éducation non formelle dans son programme sectoriel de l’éducation de base.

Le poular et le soussou sont enseignés trois fois par semaine dans neuf centres d’alphabétisations situés dans les districts du Crentre 1, Koubessodé, Baguinet Kiratigui, Kantinkhouré, Botonkhon, Simbakhouloun, Fria village,, Boundougoungouroun et Gnankakhouré.

Les apprenantes se réjouissent de la formation qui, selon elles, leur a permis d’acquérir assez de connaissances.

« J’ai abandonné les cours en 8ème  à cause de la distance, le manque de soutenance qui s’ajoute au problème de mariage mais sincèrement j’ai le regret. Je me suis mariée et je suis mère d’un enfant, mon mari m’a quitté il vit en Angola, actuellement c’est grâce au peu de connaissance que j’ai eu à l’école qui m’a permis aujourd’hui de vite comprendre même si quelque part les prononciations sont différentes mais comme c’est dans ma langue maternelle je n’ai aucun souci c’est pourquoi je suis motivée et engagée pour cette alphabétisation » a témoigné Hawa Gouly Diallo.

Plus loin, elle invite d’autres personnes à s’intéresser à cette formation.

« Dans cette salle il y a des nourrices, des vieilles femmes, des vieux… c’est vraiment bien. Je demande à toute la population de Baguinet d’accepter d’être alphabétisée car ça y va dans notre intérêt » a ajouté Hawa Gouly Diallo.

Mariama Touré, mère de famille, se félicite elle aussi de cette alphabétisation qui lui a permis de se passer des services d’autrui.

« Je n’ai jamais été à l’école auparavant mais c’est grâce à cette alphabétisation  que je peux maintenant composer des numéros dans mon téléphone sans aucune assistance de mes enfants, je ne pouvais plus faire la 1ère  année de l’école primaire alors que mon 1er fils fait la 10ème  année » a –t-elle martelé.

La prise en charge des femmes enceintes n’est pas gratuite

A Baguinet, existe un centre de santé récemment rénové qui reçoit des dizaines de patients par jour notamment des femmes enceintes et des enfants.

Malgré la gratuité annoncée de la prise en charge des femmes enceintes, celles de Baguinet déboursent quelques francs guinéens pour se faire consulter et pire, les soins ne sont pas qualifiés.

Aïssatou Diallo, assise sur un banc placé à la devanture du centre de santé, paie ses consultations et ses médicaments.

« Depuis que j’ai commencé à venir pour mes consultations, je paie 5.000 fg pour la consultation, à la pharmacie aussi je paie 5.000 fg , le premier jour j’avais payé 5.000 fg pour le carnet » témoigne-t-elle.

Malgré que le personnel du centre ne soit constitué que d’agents techniques de santé, les femmes y accouchent avec tous les risques.

« Ici il n’y a pas de médecins, tous ceux qui sont là sont des ATS, même le chef du centre. Mais puisque la ville est éloignée, la route est mauvaise, c’est ici que les femmes accouchent. Dès fois il y a des complications, c’est en ce moment qu’on réfère la personne en ville. La semaine dernière, c’est l’ambulance préfectorale qui est venue chercher une femme ici pour l’envoyer en ville, elle était très fatiguée, arrivée en ville elle a accouché d’un mort-né et elle aussi avait besoin de sang » a expliqué un agent qui a requis l’anonymat.

La mutation d’un médecin gynécologue, l’équipement de la maternité et la gratuité effective des soins, sont entre autres sollicitations des femmes pour alléger leurs souffrances pendant cette période difficile pour elles.

Elles parcourent de longues distances pour se procurer d’eau

Avec plus de 13.000 habitants, la sous-préfecture de Baguinet connait des difficultés énormes en matière d’approvisionnement en eau potable. Sur 30 forages qui avaient été installés par le service national d’aménagement des points d’eau dans les 8 districts qui composent la sous-préfecture, seuls 3 forages sont opérationnels à ce jour dont 2 à Baguinet Centre.

En saison sèche, les puits tarissent  et ce sont les femmes et les jeunes filles qui parcourent de longues distances pour approvisionner les familles. Elles se dirigent tous les jours vers les marigots et les rivières dont les eaux sont polluées.

Cette situation qui expose la population à des maladies diarrhéiques inquiète Kadiatou Touré.

« En saison sèche plusieurs points d’eaux de la sous-préfecture de Baguinet  tarissent et le manque d’eau potable est remarquable dans cette localité. On dit que l’eau est indispensable à la vie mais nous, nous avons des problèmes ici, nous buvons l’eau des marigots et des rivières, nous sommes exposés aux maladies, on doit nous aider » lance-t-elle.

L’agriculture pour être autonomes

A quelques kilomètres de l’entrée principale de la ville de Fria, se situe la sous-préfecture de Tormèlin.

Dans le cadre de leur autonomisation, des femmes ont aménagé un domaine agricole de cinq hectares à Foto depuis 2015.

« Cela fait trois ans que nous exploitons ce domaine. Nous avons commencé par la culture du riz sur trois hectares, cela a réussi, ça nous a encouragé à aménager deux autres hectares. Nous y avons fait des cultures potagères par la suite. Cette année au moment où vous nous rendez visite, nous avons cultivé des pastèques, des aubergines et du piment » a expliqué Kadiatou Soumah, présidente du groupement Mounafangni.

Ces femmes malgré leur engagement, qui a valu la visite d’une équipe marocaine qui s’est engagée à aménager une centaine d’hectares dans la zone, se heurtent à plusieurs difficultés.

« Depuis que nous avons commencé, nous progressons grace à notre courage et notre détermination. Si nous sommes passées de 3 à 5 hectares c’est parce que nous allons de l’avant, mais nous sommes confrontées à plusieurs difficultés notamment le manque de tracteur qui nous est indispensable avec cet agrandissement, pour les engrais et autres matériels, c’est l’érudit de Fria et la chambre du commerce qui nous aident » a martelé la présidente.

Pour atteindre l’autonomisation et l’autosuffisance alimentaire que visent ces femmes, un appel est vivement lancé à l’endroit des dirigeants pour un apport important de matériels.

« Nous demandons à l’Etat, aux ressortissants, aux personnes de bonne volonté de nous venir en appui surtout en engins. Nous ne comptons pas nous limiter à ces 5 hectares, nous voulons faire plus, mais sans tracteurs, sans intrants nous n’y arriverons pas. Nous ne sommes que des femmes et il y a des travaux qu’on ne peut pas faire à la main. Nous voulons aujourd’hui que les femmes soient indépendantes, donc l’aide de l’Etat nous est indispensable » lance Kadiatou Soumah.

Le bord du fleuve Konkouré, un endroit idéal pour la culture des légumes

A Fria Lambangni, un district de la sous-préfecture de Baguinet, les femmes se donnent à la terre à travers les jardins potagers. Pour exercer cette activité génératrice de revenus, elles ont choisi le long du fleuve Konkouré.

« Cela fait longtemps que nous venons au long de ce fleuve pour travailler la terre afin d’aider nos maris et subvenir aux besoins vitaux de la famille. Aujourd’hui je dirai Dieu merci le départ était vraiment dur pour nous mais vu le courage alhamdoullilay » se félicite M’Mahawa Sylla.

Malgré que ces jardins se trouvent au bord du fleuve, l’arrosage est indispensable en saison sèche. Après plusieurs années de difficultés, aujourd’hui ces jardinières se frottent les mains grâce à une motopompe mise à leur disposition par une personne de bonne volonté.

« Le problème d’arrosage nous fatiguait trop, mais grâce à Fodé Camara, le chef de poste de santé qui est actuellement à Boké pour sa formation, nous avons un moteur qui nous facilite l’arrosage, 1-4 litres soit deux fois d’arrosage par semaine » ajoute M’Mahawa Sylla.

Ces produits alimentaires sont destinés aux différents marchés environnants notamment celui du chef-lieu de la préfecture.

Malgré leurs efforts, la production reste faible. C’est pourquoi, les femmes sollicitent l’aide de personnes ressources pour augmenter le volume de leur production.

« Sincèrement nous voulons produire de plus pour ravitailler notre sous-préfecture et la commune urbaine. Nous profitons à travers votre site pour demander de l’aide aux personnes de bonnes volontés, les autorités, les ONG et les partenaires au développement,  pour avoir des herbicides, des insecticides et des engrais pour atteindre nos objectifs » plaide Mabinty Bangoura.

Le commerce, un grand point d’appui

Dans toutes les sous-préfectures de Fria, se tiennent des marchés hebdomadaires. Celui de Wawaya se tient tous les dimanches. Dans ce marché qui constitue l’endroit idéal pour les habitants de se rencontrer et d’échanger, des centaines de femmes des autres districts et du centre-ville s’y retrouvent.

Elles y exposent des parures, des fruits, des légumes, du lait caillé, des galettes et des sucettes rafraichies par des morceaux de glace qu’elles achètent chez les femmes venues de Fria centre.

A travers cette activité, nombreuses parmi elles, entretiennent de grandes familles. C’est le cas de Fatoumata Diaraye Diallo qui, depuis plusieurs années vend des légumes dans ce marché.

« Depuis ma petite enfance je vends ici, j’ai commencé par un montant de 50.000 fg, aujourd’hui grâce à Dieu, mon commerce a évolué, c’est chez moi ici que les femmes de la ville s’approvisionnent en piments, aubergines et gombos qu’elles revendent à leur tour à Fria. Je vends aussi des fruits en fonction de la période. J’ai un jardin au bord du fleuve Konkouré, c’est là-bas que je récolte les fruits et légumes. Je nourris et entretiens ma famille dans ça parce que mon mari est un simple maitre coranique » se félicite-t-elle.

Que sollicitent ces femmes ?

De Tormèlin à Fria Lambangni, en passant par Wawaya (Baguinet), les femmes rencontrées ne souhaitent pas sombrer dans la pauvreté.

Pour leur autonomisation, qui est un élément essentiel à leur bien-être et à celui de leurs familles, elles souhaitent :

– la mise en place de systèmes d’épargne et de crédit dans leurs différentes localités afin d’accroitre leurs activités économiques ;

-la création d’association de défense des droits des femmes sur qui elles peuvent compter notamment dans la sensibilisation en faveur de la scolarisation des jeunes filles ;

-l’amélioration des conditions de travail dans le domaine agricole à travers l’accès aux intrants.

Djénabou Diallo

Tel : 628 28 67 44

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